Appel d’offre dématérialisé : il faut déposer dans le bon tiroir numérique
La communauté d’agglomération de Château-Thierry a lancé une procédure de marché public pour des travaux de séparation de réseaux. La société RVM a déposé par erreur sa candidature et son offre dans le mauvais « tiroir numérique » sur le profil d’acheteur. La communauté d’agglomération n’a pas pris en compte cette candidature et cette offre.
Saisi par la société RVM, le tribunal administratif d’Amiens a annulé la procédure à compter du stade de l’examen des candidatures et enjoint à la collectivité de la reprendre à ce stade.
La communauté d’agglomération s’est pourvue en cassation contre cette ordonnance.
Les moyens soulevés par la requérante
La société RVM soutenait que la collectivité avait manqué à ses obligations de mise en concurrence en ne prenant pas en compte sa candidature et son offre, alors même que les dates limites étaient identiques et qu’il n’y avait pas d’ambiguïté sur le marché visé.
Motivation de la décision du Conseil d’État
Le Conseil d’État juge qu’aucun principe n’impose à l’acheteur d’informer un candidat d’une erreur de dépôt d’offre. L’acheteur ne peut pas non plus rectifier de lui-même cette erreur, sauf dysfonctionnement de sa plateforme.
En estimant que la collectivité avait l’obligation de prendre en compte l’offre malgré l’erreur, le tribunal administratif a entaché son ordonnance d’une erreur de droit.
Cette décision précise qu’en cas d’erreur du candidat dans le dépôt de son offre, l’acheteur n’a pas l’obligation de l’informer ni de rectifier cette erreur. Il ne peut le faire que si son profil d’acheteur est défaillant.
Cette solution paraît protectrice pour l’acheteur public et sanctionne le manque de vigilance du candidat. Néanmoins, elle pourrait conduire à écarter des offres valables pour des motifs purement formels, ce qui ne favorise pas une mise en concurrence maximale.
Conséquences pratiques
Les candidats doivent redoubler de vigilance lors du dépôt numérique des offres et s’assurer du choix du bon marché. L’acheteur n’a pas à les avertir en cas d’erreur ni à en tenir compte. .
Source : CE, 1er juin 2023, n° 469127, Communauté d’agglomération de la région de Château Thierry (« Communauté d’agglomération ayant engagé une procédure adaptée en vue de l’attribution d’un marché à bons de commande. Société souhaitant se porter candidate à l’obtention de ce marché mais ayant déposé, par erreur, sa candidature et son offre sur le profil d’acheteur de la communauté d’agglomération dans le « tiroir numérique » dédié à un autre marché, dont les dates limites de remise des offres et candidatures étaient identiques. Communauté d’agglomération n’ayant pas pris en compte cette candidature et cette offre pour le marché en litige. D’une part, aucune disposition ni aucun principe n’impose au pouvoir adjudicateur d’informer un candidat que son offre a été déposée dans le cadre d’une autre consultation que celle à laquelle il voulait postuler et, d’autre part, il ne peut rectifier de lui-même l’erreur de dépôt ainsi commise, sauf dans l’hypothèse où il serait établi que cette erreur résulterait d’un dysfonctionnement de la plateforme de l’acheteur public. Par suite, la communauté d’agglomération n’a pas manqué à ses obligations de mise en concurrence en ne prenant pas en compte la candidature et l’offre qu’elle a présentées dans un « tiroir numérique » correspondant à un autre marché que celui en litige, alors même que les dates limites de remise des offres et des candidatures étaient identiques« .).