Marchés publics : l’acheteur n’est pas tenu de rectifier une offre déposée dans le mauvais « tiroir numérique »
Lorsqu’un candidat dépose son offre dans le mauvais dossier numérique d’un marché public, le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de la réorienter vers le bon marché. Le Conseil d’État l’a précisé dans une décision du 1er juin 2023, en censurant une ordonnance du TA d’Amiens qui avait enjoint à une agglomération de reprendre la procédure de passation pour intégrer l’offre erronée d’un candidat. Le Conseil d’État juge qu’un acheteur public n’a pas à rectifier ce type d’erreur commise par un candidat, sauf s’il y a un dysfonctionnement avéré de sa plateforme de dématérialisation. Cette décision stricte vise à responsabiliser les candidats et garantir l’égalité de traitement.
Souhaitant répondre à un marché public de la Communauté d’agglomération de Château-Thierry, la société RVM voulait répondre au marché 2022S13. Malheureusement elle dépose son offre par erreur dans le dossier 2022S14 si bien que l’agglomération n’a pas pris en compte cette offre pour le marché 2022S13.
Constatant l’erreur, l’agglomération écarte l’offre comme non conforme.
Le tribunal administratif d’Amiens annule la procédure de passation à partir de l’examen des offres et enjoint à l’agglomération de reprendre à ce stade au motif qu’il n’y avait pas d’ambiguïté sur le fait que l’offre de RVM correspondait au marché 2022S13.
Mais le Conseil d’État casse cette décision. Il pose le principe qu’un acheteur public n’est jamais tenu de réorienter une offre déposée par erreur dans le mauvais espace numérique. Il ne peut le faire que s’il y a eu un dysfonctionnement avéré de sa plateforme comme le précise son considérant.
Toutefois d’une part, aucune disposition ni aucun principe n’impose au pouvoir adjudicateur d’informer un candidat que son offre a été déposée dans le cadre d’une autre consultation que celle à laquelle il voulait postuler et, d’autre part, il ne peut rectifier de lui-même l’erreur de dépôt ainsi commise, sauf dans l’hypothèse où il serait établi que cette erreur résulterait d’un dysfonctionnement de la plateforme de l’acheteur public.
Par cette décision stricte, la Haute Juridiction rappelle aux entreprises qu’elles sont responsables des erreurs commises dans la gestion de leur dossier numérique. Elle confirme aussi que l’égalité de traitement entre les candidats interdit de « repêcher » certaines offres au détriment des autres.
Cet arrêt sonne comme un avertissement pour les candidats aux marchés publics dématérialisés. En matière de transmission numérique, la moindre erreur de dossier ou de procédure peut s’avérer irrattrapable et fatale à l’obtention du marché convoité.
CE, 1er juin 2023, Communauté d’agglomération de Château-Thierry, n° 469127